Le Mouvement pour la représentation équitable au Canada demande aux politiciens fédéraux élus de se récuser de la réforme électorale dans la mesure du possible en raison du conflit d’intérêts dans lequel ils se trouvent. 

Le conflit d’intérêt politique a toujours été évident. Demander aux politiciens de changer le système électoral après avoir remporté le gouvernement ou leurs sièges individuels dans le cadre du système électoral actuel, c’est comme inviter la dinde à composer le menu du dîner de l’Action de grâce. Pourquoi les politiciens voudraient-ils changer le système qui les a fait élire en premier lieu ? 

Comme le souligne Anita Nickerson, directrice générale de Représentation équitable au Canada,  » les citoyens canadiens se frappent la tête au mur depuis plus de 100 ans pour essayer de faire adopter une réforme électorale, sans succès, parce que chaque parti et son caucus se détournent rapidement de la réforme électorale une fois élus pour former le gouvernement avec aussi peu que 33 % du vote populaire — le niveau de soutien obtenu par le gouvernement fédéral actuel. Nous avons été témoins de ce même phénomène au niveau provincial, plus récemment au Québec. » 

Un deuxième conflit d’intérêts, plus conventionnel, lié aux pensions des députés, a récemment attiré l’attention du public à la suite d’un reportage de la CBC. Selon la CBC, 

« Des dizaines de députés pourraient perdre l’accès au généreux régime de retraite des députés s’ils perdent leur siège lors d’une élection anticipée, car ils n’auraient pas les six années de service requises. »

La désincitation que cela représente est très importante, s’élevant au minimum à un peu plus de 32 000 dollars par an à partir de la retraite à 65 ans. Il n’est pas étonnant que les députés élus pour la première fois en 2015 (qui ont été très nombreux suite à la résurgence libérale cette année-là), aient été peu enthousiastes à l’idée de légiférer des réformes électorales à temps pour les élections de 2019. 

Le président de la Représentation équitable au Canada, Réal Lavergne, pose la question suivante : « Si nous attendons du ministre des Finances et du Premier ministre qu’ils se récusent des discussions sur We Charity ou sur toute autre question où il existe un conflit d’intérêts financiers, cela ne devrait-il pas s’appliquer à tous les députés dont les pensions sont susceptibles d’être affectées par des considérations financières associées à la réforme électorale ? ». La réponse est évidente et place les politiciens et les gouvernements devant un dilemme éthique. »

Le remède est tout aussi évident : les gouvernements doivent trouver un mécanisme approprié pour confier aux citoyens eux-mêmes le pouvoir de recommander des réformes électorales. Cela nécessite une réflexion approfondie. Les référendums ont été utilisés dans le passé pour consulter les citoyens, mais ne se prêtent pas au type d’étude et de délibération approfondies nécessaires pour forger un consensus interpartisan sur un sujet complexe comme la réforme électorale. Les référendums divisent, encouragent les citoyens à voter selon des lignes partisanes et peuvent être manipulés par les forces du statu quo. 

L’alternative serait d’adopter une forme d’assemblée citoyenne comme celles qui ont été utilisées dans le passé en Colombie-Britannique et en Ontario. Le mouvement pour la représentation équitable au Canada réclame la tenue d’une assemblée citoyenne nationale sur la réforme électorale qui soit robuste et bien financée afin d’examiner toutes les options possibles, y compris le statu quo, l’ajout de bulletins de vote classés à notre système actuel ou l’adoption d’une forme de représentation proportionnelle. 

D’après M. Nickerson, ce ne serait pas la fin de l’histoire. Les politiciens seraient encore appelés à adopter les changements proposés par une telle assemblée citoyenne, mais il s’agirait d’une première étape importante dans l’établissement d’un consensus non partisan. « Nous ne pouvons pas nous permettre de passer encore 100 ans sous un système de vote dont les déficiences sont à présent bien connues. Le problème n’est pas tant un manque de compréhension qu’un manque de volonté politique. » 

Il n’est pas nécessaire d’attendre la fin des prochaines élections. Une assemblée citoyenne pourrait être lancée à tout moment, et comme elle serait gérée indépendamment du gouvernement, elle pourrait très bien commencer maintenant et conclure ses travaux après les prochaines élections si nécessaire. Il suffit désormais que les différents partis harmonisent leurs efforts pour se mettre d’accord sur les termes de référence et lancer le processus.

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