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Pourquoi la représentation proportionnelle?

Ce document résume les résultats émanant de la recherche comparative sur la performance des deux grandes familles de systèmes électoraux : la représentation proportionnelle et le mode de scrutin majoritaire uninominal. Nous savons déjà que la proportionnelle fait compter tous les votes et qu’elle produit donc des résultats électoraux plus représentatifs que les modes de scrutin majoritaire. De nombreuses études démontrent que la proportionnelle dépasse les systèmes à un seul gagnant également sur les plans de la démocratie, de la qualité de vie, de l’égalité des revenus, de la performance environnementale et de la politique budgétaire.

Comparaison entre les systèmes majoritaires uninominaux et proportionnels

Il existe une abondance de recherches comparatives contrastant l’impact sur la société du choix de système électoral dans les pays utilisant des systèmes majoritaires et ceux utilisant des systèmes proportionnels. Nous résumons dans ce qui suit les résultats de cette recherche par rapport aux principaux enjeux pour les citoyens. Ce qui suit englobe une vaste gamme d’indicateurs et de dimensions, comme on s’y attendrait, puisque les réflexions théoriques nous permettent d’anticiper que le choix d’un système électoral aurait de vastes conséquences sur la relation entre citoyens et leurs gouvernements ou la façon dont les politiques sont conçues et appliquées.

Voici quelques raisons nous permettant d’anticiper les impacts de l’application d’un mode de scrutin proportionnel :

  • La représentation proportionnelle accorde la même valeur à tous les votes et devrait pour cette raison mieux responsabiliser les gouvernements face aux citoyens et mieux satisfaire les ambitions démocratiques des électeurs. On aperçoit certaines conséquences de cela dans la section intitulée « Qualité de la démocratie » ci-dessous.
  • Un défaut du mode de scrutin majoritaire uninominal est que de petits changements dans les préférences des électeurs peuvent se traduire en renversements majeurs du pouvoir politique. Ce phénomène donne lieu à un taux élevé d’incertitude politique accompagné de renversements des politiques lorsqu’un gouvernement majoritaire est remplacé par un gouvernement majoritaire d’une autre tendance idéologique. Cela encourage en outre les partis à chercher l’avantage politique immédiat aux dépens des enjeux à long-terme. L’élimination de ces tendances sous un régime proportionnel ouvrirait la porte à un plus grand degré de cohérence des politiques dans le temps et à une perspective plus fortement axée sur le long terme.
  • En faisant compter tous les votes et en permettant une plus grande gamme de points de vue d’être représentés dans la chambre législative, la proportionnelle renforce le pouvoir du citoyen ordinaire. On s’attendrait à ce que cela ait un impact sur les inégalités socio-économiques, l’accès aux services sociaux et la façon de gérer la diversité dans le pays. Cette ligne d’argumentation est mise en valeur par Salomon Orellana(2015) selon qui la représentation d’une plus grande diversité de voix en chambre permet aux pays dotés de systèmes proportionnels d’être plus performants sur quatre plans :
    • l’innovation en matière des politiques; 
    • une tendance réduite des politiciens à promettre des solutions rapides à des problèmes complexes;
    • la sophistication accrue de l’électorat;
    • une réduction du contrôle exercé par les élites sur les prises de décision.

Qualité de la démocratie

Arend Lijphart, un politicologue de renommée mondiale, a dévoué sa carrière à étudier divers indicateurs de la qualité de la vie démocratique dans les démocraties soit majoritaires ou proportionnelles (qu’il dénomme « consensuelles »). Dans son étude de référence (2012), il compare 36 démocraties sur une période de 55 années.

Faisant appel aux Indicateurs de gouvernance mondiaux de la Banque mondiale et aux indicateurs de l’Indice de perception de la corruption de Transparency International, Lijphart constate que les pays utilisant la représentation proportionnelle ont une meilleure performance pour 16 des 17 mesures de bonne gouvernance et de prise de décision – dans neuf cas à un niveau statistiquement significatif. Cela comprend des mesures de l’efficacité du gouvernement (qualité et indépendance de la fonction publique et qualité du processus d’élaboration des politiques), un indicateur de la primauté du droit et des indicateurs du niveau et du contrôle de la corruption (y compris en ce qui concerne la capture de l’État par les intérêts des élites).

Il montre en outre que dans les systèmes proportionnels,

  • Le taux de participation des électeurs a tendance à être plus élevé – environ 7,5 points de pourcentage de plus en moyenne, lorsqu’on tient compte d’autres facteurs contextuels.
  • Les politiques gouvernementales sont plus proches de l’opinion de l’électeur médian.
  • Les citoyens sont plus satisfaits de l’état de leur démocratie, même quand le parti pour lequel ils ont voté n’est pas au pouvoir.
  • Il n’y a qu’une augmentation marginale du nombre de partis au Parlement.
  • Le pourcentage de femmes élues au parlement est 8 points de pourcentage de plus.
  • Le taux de participation politique et le niveau des libertés civiles sont plus élevés.

Lijphart en retient que les démocraties consensuelles utilisant la proportionnelle sont des démocraties «plus douces, plus sympathiques» (2012 : 293).

La recherche menée par d’autres auteurs donne de pareils résultats. McDonald, Mendes et Budge (2004) ont étudié 254 élections produisant 471 gouvernements dans 20 pays et confirment la conclusion de Lijphart selon quoi les systèmes proportionnels produisent des gouvernements qui reflètent mieux les points de vue de l’électeur médian.

Blais et Loewen (2007) ont démontré que les citoyennes et citoyens des pays à mode de scrutin proportionnel étaient plus satisfaits de l’état de leur démocratie et que les élu(e)s étaient plus attentifs aux besoins de l’électorat. Blais, Morin-chassé et Singh (2017) constatent que les citoyennes et citoyens sont « sensibles aux lacunes représentatives » et qu’ils sont moins satisfaits lorsque la part des sièges diffère de la part des voix obtenus au suffrage populaire.

Pilon (2007) est relativement prudent concernant l’effet attendu de la proportionnelle sur le taux de participation aux élections, faisant remarquer que les estimations de cet effet varient d’une étude à l’autre et dépendent d’autres facteurs que le seul choix du système électoral. Il finit néanmoins par s’aligner sur les conclusions de Lijphart, estimant qu’en règle générale, la proportionnelle donne des taux de participation d’environ sept à huit points de pourcentage de plus que les systèmes majoritaires.

Une étude menée par l’Institut international pour la démocratie et l’aide au processus électoral sur la participation des jeunes aux élections dans 15 pays estime que le taux de participation des jeunes serait jusqu’à 12 points de pourcentage plus élevé dans les élections à mode de scrutin proportionnel (85,8 % en présence d’un niveau élevé de proportionnalité contre 73,9 % dans le cas contraire) (IDEA 1999 : 30).

La représentation proportionnelle semble associée aussi à un niveau supérieur de connaissances politiques de la part des citoyennes et citoyens. Gordon and Segura (1997) concluent que :

Les disparités entre la part des sièges et la part des votes découragent les gens à s’intéresser à la politique puisque les préférences populaires cumulées ne sont pas reflétées dans la composition des institutions représentatives.

Milner (2014) ajoute que les partis politiques opérant sous un mode de scrutin proportionnel changent moins souvent leurs plateformes ou leurs chefs, et qu’il est ainsi plus facile pour l’électorat d’identifier quels partis reflètent le mieux leurs préférences politiques. Il avance que les partis ont tendance aux changements fréquents dans le cadre d’un système électoral majoritaire du gagnant-rafle-tout, parce qu’ils sont à la recherche des quelques pourcentages des voix qui feront pour eux toute la différence entre la victoire ou la défaite. Puisque cet effet du tout-ou-rien ne caractérise pas les modes de scrutin proportionnels, cela affecte le comportement des partis, qui préfèrent, dans un tel cadre, augmenter leurs adhérents au fil du temps au lieu de basculer d’une figure à l’autre pour exploiter les occasions du jour.

Selon Milner, la proportionnalité du mode de scrutin permet aux électrices et aux électeurs de faire face à un éventail de choix politiques clairs et stables dans la durée. Il résume son analyse en affirmant que la représentation proportionnelle favorise la connaissance des choix politiques, et donc, en principe, la participation électorale, notamment pour ceux qui sont moins branchés, pour qui l’information au sujet des enjeux et des acteurs est limitée.  

Accès des femmes à la vie politique

Il existe une abondance de travaux sur les effets du mode de scrutin sur la participation des femmes dans la vie politique. Comme on l’a déjà fait remarquer ci-dessus, Lijphart avait trouvé que la part des femmes dans les organes parlementaires était de huit points de pourcentage de plus dans les pays munis de modes de scrutin proportionnels. La relation positive entre la capacité des femmes de se faire élire et la proportionnelle est en fait bien établie dans la littérature spécialisée (Norris 2004).

Si la participation des femmes en politique répond à toute une gamme de facteurs explicatifs, la communauté des chercheurs s’accorde sur l’effet de la proportionnalité sur la capacité des femmes de se faire élire. L’explication la plus répandue de ce phénomène réside dans la présence de circonscriptions plurinominales, qui permettent aux partis de mettre de l’avant une liste de candidat(e)s diversifiée afin d’attirer une plus large gamme d’électeurs et électrices. Il est largement plus facile pour les partis d’équilibrer leurs listes de candidats dans un contexte plurinominal que dans un contexte uninominal.

L’Australie représente un laboratoire fait sur mesure pour vérifier cette théorie parce que les deux chambres du Parlement font l’objet de deux modes de scrutin distincts : un système majoritaire uninominal avec vote préférentiel pour la Chambre des Communes et un système de vote unique transférable proportionnel pour le Sénat.

Les résultats sont parfaitement conformes à ce que la théorie nous permettrait d’anticiper. Kaminsky et White (2007) ont étudié les résultats électoraux sur une période de 61 ans et constatent que les femmes étaient plus de deux fois et demie plus fortement représentées au Sénat que dans la Chambre des Communes. Une fois que les femmes ont obtenu le droit d’être élues au Parlement en 1902, la part des femmes élues a augmenté plus rapidement au Sénat qu’à la Chambre et a été de 10 à 15 points plus élevés au courant des dernières années. (37 % vs 26% en 2013).

Le Canada, les É.U., le RU, la France et la Chambre des Communes en Australie utilisent tous un mode de scrutin majoritaire, et dans chaque cas, le taux de participation des femmes dans le corps législatif est honteusement faible. Aucun de ces pays ne rejoint ou ne dépasse la cible de base de 30 % mis de l’avant pas les Nations unies. En comparaison, les corps législatifs des pays à mode de scrutin proportionnels tels que la Nouvelle Zélande, l’Allemagne, la Suède et la Denmarke, élisent tous plus de 30 % de femmes, la Suède au sommet avec 45 %.

Au Canada, de plus en plus de femmes se présentent comme candidates (533 en 2015) mais seulement 16,5 % de celles-ci ont réussi à se faire élire. Le taux de représentation des femmes à la Chambre des communes stagne à 26,5 %.

Stabilité et perspective axée sur le long terme

L’un des principaux débats concernant la représentation proportionnelle porte sur la question du niveau de stabilité ou d’instabilité politique qui lui est associé. Nous nous attardons ici sur trois dimensions de cette question :

  • la fréquence des élections,
  • la tendance au renversement des politiques du gouvernement précédent, et
  • le niveau d’attention accordée à des enjeux de long-terme pour assurer la stabilité économique et environnementale du pays.

Comme on verra, les preuves sont fortement en faveur des modes de scrutin proportionnels.

La fréquence des élections

En ce qui concerne la fréquence des élections, la recherche comparative fait valoir qu’il y a peu de différences entre les pays utilisant la proportionnelle et les pays utilisant des systèmes « tout au vainqueur ». En utilisant comme indicateur le nombre d’élections entre 1945 et 1998, Pilon ((2007 : 146-154) calcule que les pays dotés de systèmes majoritaires ont été appelés aux urnes 16,7 fois, alors que les pays utilisant des systèmes proportionnels ont eu en moyenne seulement 16,0 élections. La différence entre ces deux groupes de pays est donc minime.

Pilon fait remarquer d’autres sources de données montrant que la durée de vie des gouvernements dans les pays utilisant la proportionnelle est un peu plus courte (1,8 années contre 2,5 années pour les pays à scrutin uninominal), mais accorde peu d’importance à ces chiffres, qu’il considère faussés par l’expérience italienne qui avait compté 48 gouvernements en 46 ans alors que la plupart de ces dits changements de gouvernements auraient été vus comme de simples remaniements ministériels dans d’autres pays démocratiques (2007 : 147). Il retient que l’instabilité n’est pas un problème pour les pays occidentaux utilisant un mode de scrutin proportionnel (2007 : 151).

Tendance au renversement des politiques du gouvernement antérieur

Les recherches menées jusqu’ici ne disent rien sur l’instabilité occasionnée par les changements de politiques qui se produisent lorsqu’un gouvernement en remplace un autre dont l’orientation idéologique est différente dans les systèmes majoritaires uninominaux «tout au vainqueur». Il n’est en effet pas inhabituel qu’un nouveau gouvernement annule les mesures entreprises par le gouvernement précédent dans les pays munis de modes de scrutin majoritaires tels que l’Australie, les É.U., le RU et le Canada.

En Nouvelle Zélande, le va-et-vient des politiques des gouvernements du Parti national et du Parti travailliste des années 1970 et 1980 furent une raison du mécontentement de l’électorat face au mode de scrutin majoritaire uninominal dans les années précédant l’introduction d’un système mixte compensatoire en 1996. Si les gouvernements de ce pays ont continué à être dominés par les Partis national et travailliste depuis lors, le besoin de ces gouvernements d’obtenir l’appui d’autres partis et la présence plus forte d’autres partis à la Chambre des Communes semblent avoir largement tempéré le va-et-vient extrême qu’on avait vécu dans le passé. (1)   

Au Canada, nous n’avons qu’à regarder les efforts du gouvernement Harper pour défaire une grande partie des mesures mises en place par les gouvernements libéraux précédents et le renversement des politiques du gouvernement conservateur par le gouvernement de Justin Trudeau depuis l’élection de 2015.  

Après l’élection, le nouveau gouvernement libéral a publié une liste de coupures budgétaires promulguées par le gouvernement conservateur, dont plusieurs qui visaient à défaire des mesures entreprises par les gouvernements libéraux précédents. On y comptait les coupures suivantes :   

  • Affaires autochtones et du développement du Grand Nord,
  • le portefeuille environnemental,
  • Pêches et Océans,
  • Agence Parcs Canada,
  • Radio Canada,
  • Citoyenneté et Immigration,
  • l’Agence canadienne d’inspection des aliments,
  • le Portefeuille Patrimoine canadien,
  • Bibliothèque et Archives Canada,
  • le Centre national des Arts, et
  • l’Office national du film.

Le gouvernement libéral élu en 2015 s’est alors acharné durant sa première année de fonctionnement à renverser un grand nombre de ces coupures, dont les suivantes : (2)

  • rétablissement du formulaire long du recensement;
  • promesse de renverser les coupures à Radio Canada;
  • renversement de la fermeture de bureaux des anciens combattants
  • renversement de deux mesures législatives considérées punitives à l’égard des travailleurs;
  • restauration du financement aux premières nations qui avait été mis sur la glace dans le cadre de la loi sur la transparence du gouvernement conservateur;
  • promesse d’augmenter le financement de Parcs Canada pour contrer les coupures de l’ancien gouvernement;
  • réouverture de stations de la Garde côtière;
  • relance du financement pour les groupes féminins;
  • restauration des avantages de santé pour les réfugiés coupés par le gouvernement précédent.

Ce genre de renversements des politiques est la norme dans un système majoritaire uninominal, où de petits changements de vents politiques peuvent faire basculer le pays d’un gouvernement majoritaire à un autre, à deux pôles opposés de la gamme idéologique.

La performance économique et fiscale

La sensibilité des modes de scrutin majoritaires aux petits changements dans les préférences des électeurs a une autre conséquence importante: la fixation des politiciens sur les problèmes du court-terme ou sur certaines questions litigieuses au dépens des enjeux à long-terme. Les sous-sections qui suivent nous permettent de constater que les pays dotés de systèmes proportionnels sont mieux équipés pour gérer des enjeux à long terme tels que la bonne gestion fiscale, la croissance économique et la gestion de l’environnement.

En analysant les performances économiques de pays utilisant différents systèmes, Carey et Hix (2009 et 2011) ont constaté que les pays dotés de systèmes modérément proportionnels sont fiscalement plus responsables et plus susceptibles de manifester des excédents budgétaires. Orellana (2014) montre lui aussi que les systèmes proportionnels s’accompagnent de surplus budgétaires plus élevés ou de déficits budgétaires moins prononcés, assortis de niveaux de dette nationale inférieurs en comparaison aux pays dotés de systèmes moins proportionnels. L’analyse de régression d’Orellana permet d’entrevoir un excédent de 0,05 % du PIB pour les pays dotés de systèmes entièrement proportionnels, contre un déficit de 2,9 % du PIB dans les pays dotés de systèmes majoritaires. La dette nationale anticipée est de 65,7 % plus élevée dans les pays dotés de systèmes majoritaires, ce qui signifie que le coût du service de la dette serait plus élevé.

Pour ce qui est de la performance économique plus générale, la corrélation semble dépendre de l’échantillon utilisé. Lijphart (2012) et Orellana (2014) n’ont trouvé aucune relation entre les systèmes électoraux et la croissance économique. Toutefois, lorsque Knutsen (2011) a examiné une période historique beaucoup plus longue, comportant 3710 années-pays de données couvrant 107 pays de 1820 à 2002, il a constaté que les systèmes proportionnels et semi-proportionnels s’accompagnent d’une augmentation « remarquablement robuste » et « plutôt importante » de la croissance économique – un point de pourcentage d’augmentation par rapport aux systèmes à scrutin majoritaire. Knutsen explique cela en raison de la tendance de la proportionnelle à promouvoir des politiques visant l’intérêt élargi de la population plutôt que les intérêts spéciaux et à produire des politiques économiques plus stables et plus crédibles. Il conclut que les systèmes proportionnels et semi-proportionnels génèrent plus de prospérité que les systèmes majoritaires.

Les opposants de la représentation proportionnelle prétendent parfois qu’il est dangereux de donner trop de pouvoir aux électeurs. On craint que cela soit “mauvais pour les affaires” en surtaxant le secteur privé et faisant fuir les investisseurs. Toutefois, le taux d’imposition appliqué aux sociétés privées dans les pays à mode de scrutin proportionnel était en fait plus bas en 2017 que dans les pays à mode de scrutin majoritaire: 22,9 % pour les premiers contre 27,2 % pour les pays à mode de scrutin majoritaire.  

En ce qui concerne, la protection commerciale, que les économistes voient normalement d’un mauvais oeil, Evans (2009) a fait un étude de 147 pays sur une période de 23 ans, et constate que les pays à mode de scrutin majoritaire avaient des taux de protection tarifaires supérieurs à ceux des pays à mode de scrutin proportionnel.

L’impact global des systèmes électoraux sur l’économie est un sujet compliqué faisant encore l’objet de recherches, mais il n’existe aucune raison économique pour craindre l’arrivée de la représentation proportionnelle au Canada.

Cliquez ici pour accéder à notre document “mythes et réalités” traitant de ce sujet (en anglais seulement pour le moment).

Gestion de l’environnement

Fredriksson et Millimet (2004) observent que les pays dotés de modes de scrutin proportionnels ont des politiques plus strictes par rapport à l’environnement. Cohen (2010) constate qu’ils avaient aussi plus rapidement ratifié le protocole de Kyoto et que leur part des émissions de carbone mondiales avait diminué.

Quant à la performance relative à la gestion de l’environnement, Lijphart (2012) constate que les pays à mode de scrutin proportionnel marquaient six points de plus sur l’Indice de la Performance environnementale de Yale qui évalue la performance environnementale d’un pays dans dix domaines tels que la santé environnementale, la qualité de l’air, la gestion des ressources, la biodiversité, la protection de l’habitat, la sylviculture, la pêche, l’agriculture, et le changement climatique.

En utilisant les données de l’Agence internationale de l’énergie de l’OCDE, Orellana (2014) montre qu’entre 1990 et 2007, alors que les émissions de carbone étaient en hausse partout dans le monde, l’augmentation statistiquement anticipée de ces émissions était significativement plus faible, seulement 9,5 %, dans les pays dotés de systèmes entièrement proportionnels, contre 45,5 % dans les pays dotés de systèmes majoritaires uninominaux.

Il constate que les citoyens des pays dotés de modes de scrutin proportionnels sont plus favorables à l’action environnementale et plus disposés à défrayer les coûts associés à la protection de l’environnement. Il montre que l’utilisation des énergies renouvelables était environ 117 % plus élevée dans les pays dotés de systèmes électoraux entièrement proportionnels.

En somme, les pays dont les systèmes électoraux sont proportionnels ont tendance à agir plus vite et de façon plus poussée plus pour protéger l’environnement.

Les politiques sociales

Comme on l’a fait remarquer ci-dessus, la proportionnelle accorde plus de pouvoir aux citoyens ordinaires. On pourrait ainsi s’attendre à des répercussions sur les taux d’inégalité des revenus ou les choix de politiques sociales. Ces attentes sont confirmées par la recherche.

Inégalité des revenus et représentation des personnes à moindre revenu

Lijphart (2012) montre que les pays munis de modes de scrutin proportionnels avaient un niveau d’inégalité des revenus nettement réduit.

Birchfield et Crepaz (1998 : 192) observent pour leur part que « les institutions politiques consensuelles ont tendance à réduire les inégalités des revenus, tandis que les institutions majoritaires ont l’effet contraire ». Les résultats de l’analyse économétrique qu’ils présentent sont fort significatifs, la représentation proportionnelle expliquant 51 % de la variance dans les taux d’inégalité des revenus d’un pays à l’autre. Birchfield et Crepaz attribuent ce résultat au niveau de pouvoir politique accru des citoyens dans les pays où la proportionnelle est utilisée. Selon eux (1998 : 191),

Plus l’accès aux institutions politiques est ouvert, plus le système politique est représentatif, et plus les citoyens participeront au processus politique pour défendre leurs intérêts, ce qui se manifestera, entre autres, par un niveau d’inégalité des revenus inférieur. Des institutions politiques consensuelles de ce genre rendent le gouvernement plus sensible aux demandes d’un éventail plus large de citoyens.

Vincenzo Verardi, dans son étude de 28 démocraties (2005), a lui aussi constaté que les inégalités diminuent quand le degré de proportionnalité d’un système augmente. Iversen et Soskice (2006) ont trouvé une relation entre la proportionnelle et de plus grands efforts pour promouvoir la redistribution des revenus.

Bernauer, Giger et Rosset (2015) ont étudié 24 démocraties parlementaires et constatent que les choix politiques des moins nantis sont mieux représentés dans le cadre d’un mode de scrutin proportionnel; les choix politiques des mieux nantis sont mieux représentés sous un mode de scrutin majoritaire.

Le développement humain

Afin d’analyser les effets de la représentation proportionnelle sur la qualité de vie de la société en général, Carey et Hix (2009 et 2011) se sont penchés sur 610 élections sur une période de plus de 60 ans dans 81 pays. Ils ont constaté que les pays utilisant la proportionnelle obtiennent des scores plus élevés en ce qui a trait à l’Indicateur de développement humain des Nations Unies.

Cet indicateur touche à la santé, à l’éducation et au niveau de vie et constitue ainsi un bon indicateur général de la performance des gouvernements en ce qui a trait à la livraison des services publics et au bien-être social.

Lijphart constate que les pays utilisant la proportionnelle investissent une moyenne de 4,75 % de plus en dépenses sociales que les démocraties à systèmes majoritaires.

La diversité et la cohésion sociale

Le mode de scrutin peut affecter la relation entre les citoyens et le gouvernement et la relation des politiciens entre eux. Tel que mentionné plus tôt, Orellana évoque une série de raisons de croire que la place accordée à une plus grande diversité de points de vue dans les pays dotés d’un mode de scrutin proportionnel peut avoir un impact. Voici quelques-unes des conséquences qui semblent découler de l’adoption d’un mode de scrutin plus proportionnel.

Les préjugés, la tolérance et l’évolution des attitudes

L’impact des systèmes électoraux sur la société peut être profond. Par exemple, en utilisant les données du World Values Survey entre 1981 et 2010, Orellana a constaté que les citoyens de pays à mode de scrutin proportionnel ont tendance à afficher des niveaux inférieurs de préjugés envers les groupes minoritaires et marginalisés. Ces niveaux dans les pays dotés de systèmes majoritaires sont d’environ 44 % plus élevés sur l’échelle des préjugés en comparaison aux pays dont les systèmes électoraux sont entièrement proportionnels.

Il montre en plus que les citoyens des pays dotés de systèmes électoraux plus proportionnels ont tendance à avoir des niveaux plus élevés de tolérance pour l’homosexualité, l’avortement, le divorce, l’euthanasie et la prostitution et un niveau plus élevé de désaccord avec l’idée que les hommes font de meilleurs leaders.

En outre, les attitudes à l’égard de ces questions ont tendance à évoluer plus rapidement dans les pays dotés de systèmes proportionnels. Sur une période d’environ 25 ans, la tolérance à l’homosexualité a augmenté de 0,41 points dans les pays utilisant des systèmes proportionnels contre 0,20 points dans les pays à circonscriptions uninominales.

L’application de la loi et la défense nationale

La tendance des politiciens à chercher des solutions rapides dans le cadre du système tout-au-vainqueur nous permet de comprendre d’intéressantes différences dans la façon d’appliquer la loi dans des pays dotés de différents modes de scrutin. Lijphart et Orellana constatent tous les deux que l’opinion publique a une plus grande tendance à appuyer des solutions punitives pour répondre à la criminalité dans les pays à mode de scrutin moins proportionnel. Ces pays ont des taux d’incarcération plus élevés, une plus grande utilisation de la peine capitale et un taux plus élevé de surveillance des citoyens. Orellana a constaté que le soutien du public pour l’incarcération était environ 28 % plus élevé dans les pays dotés de systèmes majoritaires. Confirmant des résultats similaires obtenus par Lijphart, il montre que le taux d’incarcération anticipé pour un pays doté d’un mode de scrutin entièrement proportionnel était de 136 par 100 000 personnes contre 246 dans les pays à systèmes majoritaires.

Se fondant sur un indicateur de la vie privée et de la surveillance produit par Privacy International (2011) pour plus de 30 pays, Orellana montre que les pays ayant des systèmes proportionnels marquaient un score 58 % plus élevé sur l’indice de la vie privée.

En analysant les dépenses militaires moyennes en pourcentage du PIB entre 1988 et 2012 et des données du Stockholm International Peace Research Institute, Orellana a constaté que le niveau anticipé des dépenses militaires pour les pays dotés de systèmes majoritaires était plus de deux fois plus élevé que celui de pays ayant des systèmes entièrement proportionnels (2,6 % contre 1,1 % du PIB).

Leblang et Chan (2003) constatent pour leur part que le système électoral d’un pays est le plus important indicateur de la participation d’un pays à la guerre, selon trois mesures différentes : (1) quand un pays a été le premier à initier la guerre; (2) quand il a rejoint une coalition multinationale dans une guerre en cours; et (3) combien de temps il est resté dans une guerre une fois engagé.

Lijphart constate que la représentation proportionnelle est fortement associée à un degré réduit d’événements violents, à une plus grande stabilité politique et une probabilité réduite de conflit interne. Qvortrup et Lijphart (2013), ont étudié les 36 pays de l’échantillon original de Lijphart et ont trouvé “des taux de corrélation statistiquement significatifs entre l’indice de consensualité démocratique et l’incidence d’attentats terroristes entre 1985 et 2010.” Ils ont trouvé que le risque d’attentats terroristes mortels était presque six fois plus élevé dans les démocraties majoritaires.

La proportionnalité doit-elle être parfaite pour en tirer profit?

Une question à se poser est de savoir si la proportionnalité doit être parfaite avant que son impact se fasse sentir. La question est pertinente pour un pays comme le Canada, qui envisage des options telles que la proportionnelle mixte compensatoire ou d’autres options à base régionale qui ne sont pas parfaitement proportionnelles. Cette question était le sujet principal de la recherche menée par Carey et Hix.

Ces auteurs démontrent qu’un système électoral modérément proportionnel comportant des districts plurinominaux de six à huit sièges suffirait presqu’autant que des systèmes plus purement proportionnels pour produire des résultats favorables à la représentation équitable de l’électorat (2011 : schéma 3). Les auteurs font valoir qu’un certain nombre de pays, tels que le Costa Rica, la Hongrie, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne ont choisi l’option d’un taux de proportionnalité modéré en configurant leurs systèmes électoraux.

Conclusion

En conclusion, les résultats de la recherche comparative sont clairs. La représentation proportionnelle surpasse les systèmes majoritaires uninominaux sur presque tous les plans :

  • la qualité de la vie démocratique,
  • le niveau de prudence appliqué à la gestion fiscale,
  • le niveau de croissance économique,
  • la gestion de l’environnement,
  • la réduction des inégalités des revenus,
  • niveaux de développement humain plus élevés,
  • une plus grande tolérance de la diversité,
  • une approche d’application de la loi moins axée sur les mesures punitives,
  • un plus grand respect pour la vie privée des citoyens,
  • des niveaux réduits de conflit et de militarisme.

1. PPrésentation de James Shaw, co-leader du Parti vert de la Nouvelle Zélande, présentée lors de la Convention du Parti vert du Canada à Ottawa du 5-7 août, et discussions associées à cette présentation.

2. Telles que rapportées dans les articles de presse suivants :

Références

ACE Electoral Knowledge Network (updated regularly online). Encyclopaedia on Electoral Systems.

Bernauer, Giger and Rosset (2015).Mind the gap: Do proportional electoral systems foster a more equal representation of men and women, poor and rich?” International Political Science Review. 36-1: 78-98.

Birchfield, Vicki and Crepaz, Markus (1998). “The Impact of Constitutional Structures and Collective and Competitive Veto Points on Income Inequality in Industrialized Democracies.” European Journal of Political Research 34: 175-200.

Blais, A, Loewen, PJ (2007). « Electoral systems and evaluations of democracy. » In: Cross, W (ed.) Democratic Reform in New Brunswick. Toronto: Canadian Scholars Press, pp. 39–57.

Blais, Morin-chassé and Singh (2017). « Election outcomes, legislative representation and satisfaction with democracy. » Party Politics. Volume: 23 issue: 2, page(s): 85-95.

Carey, John M. and Hix, Simon (2009). “The Electoral Sweet Spot: Low-magnitude Proportional Electoral Systems. PSPE Working Paper 01-2009. Department of Government, London School of Economics and Political Science, London, UK.

Carey, John M. and Hix, Simon (2011). “The Electoral Sweet Spot: Low-magnitude Proportional Electoral Systems.” American Journal of Political Science 55-2: 383-397.

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Fredriksson, P. G. and Millimet, D. L. (2004). “Electoral rules and environmental policy.” Economics Letters, 84-2: 237–44.

Gordon, S. B., & Segura, G. M. (1997). « Cross-national variation in the political sophistication of individuals: capability or choice? » Journal of Politics, 59-1: 126–47.

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