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Aperçu

Les partisans de la réforme mettent de l’avant deux façons d’augmenter la proportionnalité de notre système électoral :

  1. l’utilisation de sièges compensatoires pour corriger le manque de proportionnalité des circonscriptions uninominales. C’est l’approche utilisée selon la représentation proportionnelle mixte (RPM) ou
  2. des circonscriptions plurinominales permettant de voter pour des candidats ayant des points de vue différents dans chaque région. C’est l’approche qu’on utilise selon le vote unique transférable (VUT).

Si la RPM et le VUT donnent tous deux des résultats proportionnels, certains se préoccupent de la taille que peuvent atteindre les circonscriptions résultant de l’application de ces approches dans les zones rurales. Dans le cas de la RPM, les circonscriptions uninominales continueraient d’exister mais seraient en moyenne 60 % plus grandes. Avec le VUT, les circonscriptions plurinominales les plus petites qu’on pourrait envisager dans les zones rurales seraient de deux sièges. On pourrait laisser les circonscriptions uninominales telles quelles, mais cela ne donnerait comme résultat ni la proportionnalité ni l’égalité des voix.

Cela nous amène à mettre de l’avant comme option un modèle hybride qui comprendrait à la fois des circonscriptions plurinominales et un certain nombre de sièges compensatoires pour répondre aux différents besoins des zones rurales et urbaines, tout en protégeant l’objectif de proportionnalité.

Nous nommons ce système représentation proportionnelle rurale-urbaine. Ce mode de scrutin utiliserait au besoin des circonscriptions uninominales dans les zones rurales ou de petites villes comptant moins de 100 000 habitants. Dans les grands centres urbains et les zones qui les entourent, on utiliserait des circonscriptions plurinominales. On maintient la proportionnalité pour les électeurs urbains et ruraux en ajoutant un nombre limité de sièges compensatoires, comme on le fait selon le mode de scrutin RPM.

L’avantage de la proportionnelle rurale-urbaine est qu’elle permet d’atteindre la proportionnalité sans avoir à créer de larges circonscriptions plurinominales. Les centres urbains ou les zones qui les entourent, où vivent 60 % des Canadiens, pourraient se composer de circonscriptions plurinominales de taille modeste, comme en Irlande et en Irlande du Nord où les circonscriptions sont représentées par 3 à 6 députés. Les zones rurales ou de petites villes pourraient se composer de circonscriptions uninominales ou à deux députés, suivant le besoin. Il faudrait relativement peu de sièges compensatoires pour compenser la non-proportionnalité, puisque les résultats au premier niveau seraient déjà relativement proportionnels.

La figure 1 illustre la proportionnelle rurale-urbaine par rapport à d’autres modèles. Le VUT (en haut à gauche) utilise des circonscriptions plurinominales sans sièges compensatoires. La RPM (en bas à droite) utilise des circonscriptions uninominales et de nombreux sièges compensatoires. La proportionnelle rurale-urbaine se situe à mi-chemin. Elle utilise une combinaison de circonscriptions uninominales et plurinominales de taille modeste, et y ajoute un petit nombre de sièges régionaux compensatoires pour améliorer la proportionnalité du système.

La proportionnelle rurale-urbaine s’inspire de plusieurs sources. D’abord, d’une suggestion de l’ancien directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, qui a proposé qu’on utilise des circonscriptions plurinominales de trois à cinq députés dans les zones urbaines, mais qu’on maintienne des circonscriptions uninominales dans les zones rurales et éloignées. La proportionnelle rurale-urbaine y ajoute un élément supérieur de proportionnalité.

Cette proposition s’inspire aussi du système électoral suédois. En Suède, la plupart des députés sont élus sur la base de listes dans de petites circonscriptions plurinominales. On garde alors en réserve un 11 % des sièges parlementaires comme sièges compensatoires à la hauteur du pays en entier pour compenser le manque de proportionnalité au niveau local. Le nombre de sièges compensatoires étant limité dans ce système, la Suède utilise une formule simple du « meilleur second » pour combler ces sièges. On pourrait faire de même au Canada.

La figure 2 montre comment ce mode de scrutin combine des circonscriptions uninominales et plurinominales assortis de sièges compensatoires pour donner un résultat plus proportionnel. L’ovale de couleur dorée représente une région compensatoire composée de deux circonscriptions uninominales et trois circonscriptions plurinominales. L’ovale rouge indique qu’on y ajouterait deux sièges compensatoires, pour un total de 15 députés.

Avec un modèle proportionnel rural-urbain au Canada, il est estimé que les députés compensatoires représenteraient de 13 à 15 % du total des sièges, beaucoup moins qu’avec la RPM, selon laquelle cette proportion serait de 35 à 40 %.

La proportionnelle rurale-urbaine peut être adaptée aux besoins spécifiques du Canada en ajustant certains éléments comme la taille des circonscriptions, le nombre de circonscriptions uninominales, la façon dont les députés sont élus et la façon dont les sièges compensatoires sont attribués. Ces options sont abordées plus en détail dans la section « Choix de conception » de cette annexe.

Les figures 3 et 4 ci-dessous illustrent deux exemples de configuration possible d’un mode de scrutin proportionnel rural-urbain en Alberta. Ces deux exemples présentent une combinaison de circonscriptions uninominales et plurinominales (en couleur dorée et en vert respectivement) et de sièges régionaux compensatoires (en rouge). Les cartes montrent les 34 circonscriptions actuelles en Alberta, auxquelles on rajouterait respectivement six et quatre sièges compensatoires. Le nombre de sièges compensatoires varie d’un cas à l’autre en fonction du degré de proportionnalité déjà atteint par l’utilisation de circonscriptions plurinominales.

Ces deux exemples utilisent comme hypothèse que le nombre de parlementaires serait augmenté pour accommoder les sièges compensatoires. Ceci permettrait aux circonscriptions uninominales existantes de rester telles quelles et de constituer les circonscriptions plurinominales par un simple processus de regroupement sans qu’il soit nécessaire de redessiner les circonscriptions dans la plupart des cas.

L’alternative serait de faire de la place pour les sièges compensatoires en réduisant le nombre de circonscriptions régulières, dont on augmenterait légèrement la taille, comme on le fait dans tout mode de scrutin de RPM. Avec la proportionnelle rurale-urbaine, il suffit d’augmenter la taille des circonscriptions de 13 à 20 %, en comparaison au 60 % habituel selon la RPM.

Dans nos deux exemples, les circonscriptions de Calgary et Edmonton sont groupées en circonscriptions à 5 ou 6 députés. Cependant les 13 plus petites circonscriptions rurales ou de petites villes sont traitées différemment dans les deux exemples : dans l’un, on a choisi de les conserver le plus souvent comme circonscriptions uninominales; dans l’autre, on a choisi de créer plutôt de petites circonscriptions plurinominales de deux ou trois députés partout où c’est possible de le faire. On pourrait envisager des scénarios mitoyens entre ces deux exemples, mais ces deux exemples suffisent pour illustrer la flexibilité du modèle.

Dans les petites provinces, la région de compensation couvrirait la province en entier. Dans les grandes provinces, on allouerait normalement trois sièges compensatoires par région de 20 députés comportant des circonscriptions plurinominales et uninominales.

Les 13 à 15 % de députés élus aux sièges compensatoires représenteraient les électeurs qui n’ont pas pu être représentés au niveau des circonscriptions. Supposons, par exemple, que vous êtes un député compensatoire du Parti vert du Canada pour le nord de l’Alberta. Vous représentez alors les électeurs du Parti vert du Canada de tout le nord de l’Alberta et vous pourriez tenir des journées portes ouvertes à différents endroits dans cette région, comme le font les députés régionaux d’Écosse. Vous ne seriez, comme de raison, pas le seul député à représenter les conscriptions de cette région. Les partisans de tous les partis, dont ceux du Parti vert du Canada, pourront s’adresser à leur député unique dans le cas d’une circonscription uninominale, s’il y en a un, ou à l’un de leurs députés dans le cas d’une circonscription plurinonimale.

Un exemple inspiré de Kingsley

Le premier exemple que nous souhaitons présenter pour illustrer le concept du mode de scrutin proportionnel rural-urbain est inspiré de la proposition de Jean-Pierre Kingsley à laquelle il est fait référence plus haut. Nous estimons, à l’échelle du pays, que cette option pourrait conserver environ 25 % de la totalité des sièges sous forme de circonscriptions uninominales. Cela permettrait plus facilement aux députés et à leurs électeurs d’entretenir des liens dans les circonscriptions rurales ou de petites villes. Dans cet exemple pour l’Alberta, nous avons conservé 11 circonscriptions uninominales rurales ou de petites villes. Red Deer aurait 2 députés. On compterait pour la province en entier 11 circonscriptions uninominales, 23 sièges dans des circonscriptions plurinominales et 6 sièges compensatoires pour un total de 40, en utilisant l’approche abordée plus haut pour les sièges compensatoires. Les six sièges compensatoires pourraient être attribuées à deux régions – l’une comprenant la partie nord et centrale de la province, l’autre la partie sud.

Exemple mettant l’accent sur les circonscriptions plurinominales

On peut aussi s’imaginer à quoi ressemblerait le même modèle si on minimisait les circonscriptions uninominales en faisant appel plutôt à des circonscriptions à deux ou trois sièges dans la plupart des zones rurales. Cela permettrait à la plupart des électeurs ruraux d’avoir un député du parti de leur premier choix. Aux fins d’exemple, nous n’avons retenu que deux sièges à circonscriptions uninominales dans la figure 4.

La circonscription à deux députés dans le coin nord-ouest illustre qu’établir des circonscriptions uninominales ne dépend pas uniquement de l’éloignement ni de la taille des circonscriptions. En tenant compte de la distribution de la population des deux circonscriptions actuelles de Peace River –Westlock et Grande Prairie – Mackenzie on constate qu’il serait relativement facile de gérer une circonscription à deux députés dans ce cas-ci, en particulier pour ce qui est de la zone entourant Peace River qui est coupée en deux par les circonscriptions existantes. Ce cas illustre le genre de considérations qui seraient prises en compte pour déterminer quelles circonscriptions devraient rester uninominales et combien il en faudrait pour équilibrer la gestion pratique du territoire et la proportionnalité.

En comparaison au modèle inspiré de Kingsley, cet exemple donne d’ores et déjà un niveau supérieur de proportionnalité puisqu’on y retrouve maintenant un nombre réduit de circonscriptions uninominales. On ressent moins ainsi le besoin d’ajouter des sièges compensatoires. Cet exemple fait appel à seulement quatre sièges compensatoires au lieu de six. Cet exemple illustre ce que nous avions en tête en mettant de l’avant l’option STV+ dans l’annexe 11.

Choix de conception

Les exemples ci-dessus illustrent la flexibilité de ce modèle hybride qui permettrait d’adapter le modèle selon les différentes circonstances qu’on retrouve dans différentes parties du pays. Nous abordons ci-dessous certains choix conceptuels sur lesquels il faudrait se pencher.

Taille du parlement

Dans la représentation proportionnelle rurale-urbaine, on n’a besoin que d’un petit nombre de sièges compensatoires en comparaison au mode de scrutin RPM. Il existe deux façons de faire de la place pour ces sièges compensatoires :

  • Les sièges compensatoires pourraient être ajoutés aux 338 sièges existants de la Chambre des communes. Cela ferait passer la Chambre à 380-390 députés. Les circonscriptions uninominales resteraient inchangées et dans la plupart des cas, on pourrait créer des circonscriptions plurinominales en amalgamant tout simplement les circonscriptions existantes sans changer leurs délimitations.
  • S’il est décidé de ne pas changer la taille de la Chambre, on pourrait demander aux commissions de délimitation des circonscriptions électorales de chaque province d’agrandir légèrement la taille des circonscriptions existantes pour faire de la place aux sièges compensatoires.

Équilibre entre les circonscriptions uninominales et les circonscriptions plurinominales

Le choix de conception le plus évident est l’équilibre à rechercher entre le nombre de circonscriptions uninominales et plurinominales. La proportionnelle rurale-urbaine assurerait une proportionnalité élevée en utilisant des circonscriptions plurinominales dans les zones urbaines et celles qui les entourent. Les circonscriptions moins peuplées pourraient alors être uninominales ou plurinominales. Plus on utilise les circonscriptions uninominales, plus il serait nécessaire d’ajouter des sièges compensatoires pour obtenir un degré satisfaisant de proportionnalité.

Élection des députés des circonscriptions

Les députés des circonscriptions plurinominales pourraient être élus suivant la proportionnelle de liste ou le VUT (voir l’annexe 11 sur les avantages du VUT). Pour ce qui est des circonscriptions uninominales, celles-ci pourraient utiliser soit le vote préférentiel, soit le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour (SMUT). Pour simplifier, on pourrait harmoniser le bulletin utilisé dans les circonscriptions uninominales et plurinominales en utilisant un bulletin préférentiel partout ou l’utilisation d’un simple X partout.

Attribution des sièges compensatoires

Le vote pour les sièges compensatoires pourrait se faire sur la base d’une liste ouverte ou du meilleur second.

Le système du meilleur second rend superflu le besoin d’une liste pour les sièges compensatoires et permet d’utiliser un bulletin simplifié à un seul choix; il n’y a aucun besoin de voter séparément pour les sièges compensatoires. Les électeurs indiqueraient leur choix pour leur député local en cochant une case, comme en Suède, ou selon la méthode du scrutin préférentiel. Les sièges compensatoires seraient attribués en deux étapes. Il s’agirait d’abord de déterminer quels partis méritent des sièges compensatoires dans chaque région (comme on le fait selon le mode de scrutin RPM). On choisirait ensuite le candidat restant le plus populaire dans la circonscription la plus sous-représentée de ce parti, comme il est fait en Suède.

Comparaisons

Le tableau suivant résume les caractéristiques clés de divers systèmes électoraux. Tous les modes de scrutin proportionnels qui y sont présentés comportent un niveau de proportionnalité moyen à élevé. Ce qui change dans le mode de scrutin proportionnel rural-urbain, c’est qu’on peut obtenir le même niveau de proportionnalité avec des circonscriptions plurinominales plus petites en ajoutant un nombre limité de sièges compensatoires.

SMUT

Mode de scrutin préférentiel uninominal

RPM VUT Mode de scrutin proportionnel rural-urbain

générique

Mode de scrutin proportionnel rural-urbain

Exemple 1

Mode de scrutin proportionnel rural-urbain

Exemple 2

Part des députés de circonscriptions uninominales

100 % 100 % 60-65 % Exception- nellement1 5-25 % 20-25 %

5 %

Part des députés de circonscriptions plurinominales

0 % 0 % 0 % 95-
100 %
60-87 % 60-66 % Environ 80 %

Part des sièges compensatoires

0 % 0 % 35-40 % 0 % 13-15 % 15 %

Environ 15 %

Taille des régions compensatoires s.o. s.o. 6-19 députés s.o. 7-20 députés Environ 20 députés

7-20 députés

Degré de proportionnalité

Bas Bas2 Moyen à élevé3 Moyen à élevé4 Élevé à très élevé Élevé à très élevé5

Élevé à très élevé

  1. Le mode de scrutin VUT n’a normalement pas de circonscriptions uninominales, mais cela n’est pas exclu dans des circonstances exceptionnelles.
  2. Le mode de scrutin préférentiel uninominal représente mieux les préférences des électeurs à l’échelon local, mais pourrait être moins proportionnel que le SMUT en ce qui concerne le nombre de sièges en Chambre.
  3. La proportionnalité augmente en fonction de la taille de la région et du pourcentage de sièges compensatoires.
  4. Il s’agit d’un niveau de proportionnalité moyen dans les petites régions et d’un niveau de proportionnalité élevée dans les grandes régions.
  5. Le grand nombre de circonscriptions uninominales réduit la proportionnalité dans ce cas. On peut compenser pour cela de trois façons : en augmentant la taille des régions compensatoires, en augmentant le nombre de de sièges compensatoires, ou en configurant de plus grandes ou de plus nombreuses circonscriptions plurinominales.

Sommaire

En résumé, le modèle hybride proportionnel rural-urbain se démarque comme suit :

  • des circonscriptions uninominales ou de 2-3 députés dans les régions à faible densité démographique.
  • des circonscriptions plurinominales dans les régions à forte densité démographique.
  • des sièges compensatoires à la hauteur de 15 pour cent de la totalité, ajoutés soit en agrandissant quelque peu la Chambre des communes ou en en augmentant la taille des circonscriptions régulières.

Ce mode de scrutin peut être configuré de différentes façons dans le but de représenter efficacement chaque électeur. Il permettrait ainsi d’ajuster certains éléments de conception d’une part à l’autre du pays dans le cadre d’une solution sur mesure pour le Canada qui offre le niveau de proportionnalité souhaité en fonction des différences rurales-urbaines en restant à l’écoute des préoccupations et des préférences locales.

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